Parfois je passe des nuits au temple iop et je pense à ces héros séculaires qui hantent ma mémoire.
L'ombre du lieu favorise les rêveries et mon esprit s'échappe. Je vois ces idoles indescriptibles, chargées de puissance et la crypte étincelle de leurs reflets, mon âme ressent l'étreinte de leur profonde noirceur et je sens mes tempes vibrer du langoureux chant des palpitations meurtrières. Je prie le dieu de mes pensées pour rester dans la bonne voie de l'impartialité et de la justice mais mon cœur se serre des affronts que l'on me fait et je sens un fléchissement de l'âme.
Un cri silencieux s'échappe alors de mes lèvres et le souffle amer du tentateur vient choir sur mes épaules. À genoux, la tête baissée, j'ôte mon amulette que je pose devant moi pour en contempler les pierres puis, d'une main assurée, je noue mes cheveux. Un frôlement se fait, près de moi je sens que l'esprit est là. Il me chuchote des mots affreux : tuer, vengeance, exécution, meurtre… Je ne l'écoute pas et sourit, pourtant je tremble, ma main droite sur la garde de mon Cutter, je rassemble mes esprits tandis qu'une ombre gigantesque envahit la pièce, occultant les reflets mordorés des oriflammes d'Amakna.
- Père ?
- Ton père est mort.
Je me mords la lèvre. Non, ce n'est pas vrai. Mon père n'est pas mort, un jour je le retrouverais.
- Qui es-tu ?
- Ta conscience et tu dois m'obéir.
- Je ne dois rien à personne, je suis libre…
- Tu n'es libre de rien, sinon tu ne viendrais pas prier pour implorer de rester du " bon côté " .
- Mais si, je viens pour accorder mon âme à des principes supérieurs…
- Paroles ! Vaines paroles, tu ne changes pas Alison, tes yeux sont encore emplis d'idéaux mais le monde va te les faire tous ravaler jusqu'à ce que la coupe soit vidée. Et alors tu changeras.
- Peu me chaux que tu m'insultes puisque j'en ai l'habitude, je viens trouver la paix ici, je viens trouver l'espoir. Je viens soigner les plaies de mon cœur, je viens trouver la solitude et le pardon.
- Un jour tu seras bien vieille Alison et le monde n'aura pas changé grâce à toi… Tu pleures sur toi et sur les maux du monde mais tu y participes activement, le sais-tu ?
- Je le sais !
- Non, tu espères, c'est ce que tu dis. Alors continue de dormir. Continue de rêver.
La voix s'éteint comme un sanglot étouffé et résonne dans le mur comme le râle d'un mourant qui désire qu'on abrège ses souffrances.
Une larme coule sur ma joue comme quelque chose de magique, comme si une statue de pierre pouvait pleurer, elle s'écrase mollement sur ma cuisse et longe une cicatrice, je sens son sel entrer dans mes chairs et me félicite d'en pouvoir ressentir la sensation. Du soupirail passe un rai de lumière, mes épaules se réchauffent, je prends l'amulette sur la pierre froide du sol et l'accroche à mon cou. Est-ce que j'ai rêvé ? Je ne sais pas. Mais en sortant du temple, les yeux lavés par les pleurs je soupire et vois le soleil au nadir, entre les arbres… il est accompagné d'une multitude de nuages comme autant de bouftons tapissant le ciel, une eniripsa s'approche de moi et me demande si ça va, si je peux l'aider à attraper une bestiole quelconque, elle me dit qu'on lui a confié une quête et qu'elle a besoin de quelqu'un pour la réaliser. Je lui souris et plaisante.
La petite eniripsa se met à rire, ses ailes vibrent joyeusement. D'un large sourire elle me demande si on y va, pour réponse j'enfile mon casque d'un geste assuré.
La journée peut commencer…
AAUU
(texte écrit en Juillet)Gaston Bussière : Joan Of Arc